« Avant tout, je suis très urbaine. » Voilà la réponse qui fuse lorsque l’on demande à Marie Krier de se présenter en quelques mots. Alors quoi de mieux que de tirer le fil de cette appétence, de cette passion pour la ville, pour esquisser les contours de celle qui est aujourd’hui directrice de la stratégie et de l’attractivité chez Paris Sud Aménagement ? Mais avant de s’intéresser à sa carrière professionnelle, il faut poser quelques jalons : fille de deux architectes qui lui ont transmis « un amour de la ville et des objets architecturaux », Marie Krier grandit à Paris, lorgne sur la profession de ses parents, avant que ces derniers ne lui donnent un conseil : surtout ne pas marcher sur leurs traces. « Ils estimaient que c’était un métier difficile de nos jours et ils voulaient m’éviter la frustration. » Alors la jeune femme prend la tangente, intègre la maîtrise de Radio France dont elle sort diplômée en 2005. Elle commence une carrière dans le milieu musical, mais comprend assez rapidement qu’il lui sera difficile d’en vivre convenablement. Alors elle suit en parallèle un cursus en sociologie et urbanisme, découvre de nouvelles facettes de la ville et finit par lâcher la musique pour s’épanouir professionnellement dans « ce lieu où beaucoup de choses sont possibles, qui est à la croisée de nombreuses de décisions. Avec toujours une seule personne sur laquelle tout ceci aura un impact : l’usager. C’est lui qui va profiter ou subir toute cette constellation de décisions. » L’usager et plus globalement l’humain, Marie Krier y reviendra souvent au fil de l’entretien. Son intérêt pour la ville est intrinsèquement lié à celui des hommes et des femmes qui y vivent ou qui ne font qu’y passer.
Autre point d’intérêt urbanistique de celle qui fût diplômée en 2009 du magistère de Paris 1 : les commerces. Et plus spécifiquement ces flaques commerciales qui bordent les villes où les bâtiments sont taille continent, les publicités omniprésentes et les véhicules rois. « J’ai toujours été fascinée par ce que l’on appelle la France moche, pour moi c’était excessivement mystérieux, avec toujours cette question en tête : comment a-t-on pu laisser faire ça ? » Après une expérience professionnelle en maîtrise d’œuvre, un passage en collectivité locale et dans l’enseignement supérieur à l’Ecole nationale des ponts et chaussées, Marie Krier entre à l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), puis rejoint l’EPA Paris-Saclay, où elle intervient sur le commerce. Avec toujours l’usager en ligne de mire. « Personne n’a envie de se balader dans un quartier où tout est muré. Les commerces sont finalement la substantifique moelle de l’état d’un quartier, ce sont eux qui indiquent s’il se porte bien ou non. » Désormais à Paris Sud Aménagement, Marie Krier agit toujours sur le commercial mais avec les impératifs d’aujourd’hui et notamment celui du foncier de moins en moins disponible, obligeant désormais les aménageurs à intervenir sur l’existant. À quoi reconnaît-on un bon aménageur ? Pour la directrice de la stratégie, cela réside notamment dans sa faculté à proposer une compétence pour intervenir en amont mais aussi à savoir développer et transformer avec acuité un quartier qui existe déjà. Se pose donc la question des commerces, des services et, évidemment, des riverains. Et puis il y a l’urbanisme transitoire, tout ce qui se passe aux interstices, dans cette poignée d’années durant lesquelles un projet de réaménagement est discuté, voté puis mis en œuvre. C’est là que Marie Krier intervient en imaginant comment utiliser au mieux ce temps, afin d’éviter les vacances. Alors bien souvent, ce sont des entreprises de l’économie sociale et solidaire qui utilisent les espaces, tentent d’y pérenniser leurs activités pour continuer à occuper les locaux une fois ceux-ci réaménagés. « Cela permet aussi de développer le quartier autour de l’accès aux usagers, ce qui est rare dans nos métiers où les rencontres se limitent souvent aux réunions de concertation. Là, on organise des événements qui permettent aux gens de comprendre comment ils perçoivent le projet, de discuter avec eux afin de faire se rencontrer nos mondes. »
Quels seraient pour elle les enjeux de la ville de demain ? Après un petit temps de réflexion, elle égraine : savoir s’adapter voire anticiper les besoins, avoir la capacité d’être en empathie par rapport aux gens pour lesquels on fabrique la ville ou encore composer avec la mixité quelle qu’elle soit. « Finalement, cela fait la boucle avec mes études de sociologie, je n’ai pas perdu ma passion des gens. » Une passion des gens, des rencontres mais aussi des carambolages d’univers, qui sont, pour Marie Krier, la clé de toute réussite, celle de la ville comprise. Un impératif qu’elle tente de mettre en œuvre le plus régulièrement possible, notamment à l’Institut pour la ville et le commerce dont elle est administratrice depuis 2020. « On ne parle pas le même langage entre les gens qui construisent la ville, les élus et tous les acteurs du commerce. Nos métiers sont proches en termes d’enjeux mais il existe peu d’espace de dialogue, alors à l’Institut nous travaillons à créer les conditions propices à ce dialogue, notamment par le biais d’ateliers. » Une émulation qu’elle retrouve également auprès de Ville hybride, « c’est un vrai carrefour des décideurs de la fabrique de la ville, le panel est très large, il n’y a pas tant de réseaux aussi complets qui combinent les acteurs publics, privés et parapublics, cela crée toujours des choses intéressantes. »