En ville, le compost finit-il à la poubelle ?
A partir du 1er janvier 2024, le tri des biodéchets sera obligatoire en France. D’ici-là, les citoyens peuvent déjà appliquer plusieurs solutions pour transformer leurs épluchures en compost et participer à végétaliser l’espace urbain. Composteur collectif, lombricomposteur d’appartement ou collecte : comment ça marche et quelle solution est la plus efficace ?
Rue de Reuilly, au numéro 107, un jardin partagé par des habitants d’un immeuble parisien accueille herbes aromatiques, arbres fruitiers, ruches ainsi qu’un poulailler. Le tout est alimenté par les épluchures de certains habitants. La matière organique compostée sur place peut aussi être utilisée pour les plantations d’appartement. L’un des résidents et maître-composteur Jean-Jacques Fasquel, est à l’origine de ce projet. L’auteur de Composter en ville, est le premier citoyen à avoir fait installer en 2008, un compost collectif en pied d’immeuble à Paris. “Aujourd’hui, 13 ans après, on est plus de 80 foyers à composter nos biodéchets, à cet endroit-là”, assure-t-il.
Composter au pied de son immeuble : c’est possible, mais compliqué !
Alors que nos déchets organiques (épluchures, coquilles d'œuf, poisson) constituent une ressource pour amender nos sols, ils sont jetés pour être brûlés ou enfouis. Aujourd’hui, ils représentent un tiers du volume de nos poubelles.
A partir du 1er janvier 2024, le tri des biodéchets sera obligatoire pour tous. En attendant, plusieurs solutions écologiques s’offrent aux citadins qui souhaitent transformer leurs épluchures. A Paris, des composteurs de quartier gérés par des associations, des lombricomposteurs individuels ou encore des composteurs collectifs en pied d’immeuble peuvent être mis à disposition des citoyens.
Cependant, pour composter en bas de chez soi, il faut pouvoir en faire la demande à la Direction de la propreté et de l'eau de la ville. Il est faut constituer un groupe suffisant de personnes motivées, désigner un référent compost dans son immeuble et obtenir “l’accord de son conseil syndical ou de l’assemblée générale des copropriétaires pour un immeuble privé ou du bailleur et de l'association des locataires pour un immeuble du parc social”, précise la Mairie de Paris sur son site.
L’avantage : on crée du lien social
Si toutes les conditions sont remplies, un maître-composteur missionné par la mairie intervient pour faire un audit de la zone de compostage. “On vient dans l’immeuble rencontrer les porteurs de projets, on va regarder quel est l’endroit où la personne a imaginé qu’on le fasse”’, précise Jean-Jacques Fasquel. “Il faut avoir 5m2 pour poser trois bacs de 600 litres en pleine terre et il ne faut pas que ce soit trop proche de la première fenêtre. On demande en général une distance d’au moins cinq mètres du premier habitant.”
Au terme de ce (long) processus, le projet est alors validé par le maître-composteur, en fonction de ses observations. Il se charge ensuite lors de l’inauguration du site de compostage de former les habitants. “On essaie d’en faire un moment festif et pédagogique. On finit toujours par un pot convivial pour faire vivre le lien qui vient d’être créé”, confie Jean-Jacques Fasquel pour qui cette activité citoyenne permet de favoriser les interactions sociales. “Des gens qui ne se connaissaient pas avant, se rencontrent avec ce projet commun et petit à petit, ça crée du lien. On disait qu’autrefois les gens se retrouvaient autour du lavoir, aujourd’hui, c’est peut-être autour des composteurs.”
Le chemin est long mais le jeu en vaut la chandelle.
Donner des biodéchets à la ville : une option simple mais discutable
Si installer un composteur en bas de chez soi demande un certain investissement, il est possible, pour les moins téméraires, de donner directement ses biodéchets à la Mairie.
Depuis 2017, une expérimentation de collecte en porte-à-porte est menée dans le 12e arrondissement de Paris. Il suffit simplement de remplir une nouvelle poubelle (marron) avec ses épluchures.
“Depuis 4 ans, on a collecté plus de 2100 tonnes de biodéchets, ce qui a permis de produire 630 tonnes de compost. C’est également réutilisé en biogaz pour les bus parisiens”, explique Christophe Teisseire, adjoint à la maire du 12e arrondissement, chargé de la transformation de l'espace public, de la végétalisation, de la voirie et de la valorisation des déchets.
Cette mesure que Christophe Teisseire explique être complémentaire des autres solutions de compostage, permet ainsi de produire du compost pour les agriculteurs en Ile-de-France. Les biodéchets sont alors transportés pour être transformés dans une usine de méthanisation. La plus proche, se trouve dans l’Oise à Passel, à une centaine de kilomètres du 12e arrondissement.
“Nos déchets sont composés à 80% d’eau”
Ce procédé de traitement des déchets est impensable pour Malcolm Hammer, qui conçoit de petits composteurs d’appartement avec la société Compost Urbain. “On dépense de l'énergie pour collecter les matières organiques, les amener dans une usine, alors que si chacun a une petite débouchée arborée ou quelques plantations en bas de chez lui, le fait de composter sur place est ce qu’il y a de plus proche du minimum logistique naturel. Moins on en fait, plus ça marche”, assure-t-il. “L’idée même de composter de manière décentralisée fait sens au niveau de l’écologique d’une ville complète pour une raison qui est très simple et très basique, c’est que nos déchets sont composés à 80% d’eau.”
Composter en appartement : le plus vertueux mais encore le moins pratique
Malcolm Hammer a imaginé des silos composteurs à utiliser avec ou sans lombrics permettant de voir la matière organique se dégrader, en partie grâce à un système d’aération : “Une fois que les matières ont composté deux mois et demi à trois mois, on peut déjà les intégrer à une plantation.”
Il mène actuellement une expérimentation dans le 18e arrondissement, en collaboration avec l’association Vergers Urbains permettant de faire le lien entre compostage individuel et collectif. Après avoir composté les biodéchets à la maison, 15 foyers viennent déverser la matière organique dans une jardinière lombricomposteur. Le tout permet d’entretenir des plantations. “Ça produit finalement assez peu, c’était ça aussi l’objectif, c’était de montrer que 50 habitants peuvent faire disparaître leurs déchets sur l’équivalent de 2m3 et qu’il n’y a pratiquement pas de restes parce que la terre est consommée sur place”, détaille l’entrepreneur.
Pour lui, enclencher un processus de compostage chez soi permet ainsi d’éviter de déplacer des déchets chargés d’eau, avec toujours l’idée, de consommer le moins d’énergie possible : “Mon obsession, c’est de tendre vers le principe de moindre action. Dans la nature, toutes les transformations se font avec un coût énergétique qui est considéré comme étant le minimum et donc ce minimum, pour moi, si on fait sérieusement de l’écologie, c’est l’objectif.”