Les makers, les structures de l’économie sociale et solidaire, les entreprises de l’économie de l’échange, mais également certaines associations d’intérêt général …constituent-elles la nouvelle « classe ouvrière » ? Qu’est-ce-que ces organisations ont en commun ? Qu’est-ce qui caractérise la classe ouvrière (celle de la fin du XIXè jusqu’à la moitié du XXè siècle) ? Pourquoi comparer ces structures à la classe ouvrière ? Quelques questions auxquelles nous allons tenter de répondre.
Que partagent-elles ?
Toutes ces structures forment a priori un ensemble hétérogène. Que partagent en effet un maker, une personne qui travaille dans l’ESS ou dans l’économie de l’échange, ou au sein d’une d’association ? Ils se définissent tout d’abord par opposition aux canons exprimés ou perçus des entreprises traditionnelles (approche capitalistique, rémunération des actionnaires, organisation pyramidale du travail, illisibilité du sens de l’action individuel). Bien sur ces critères sont schématiques car certaines structures, surtout celles de l’économie de l’échange, sont assez proches des entreprises traditionnelles. Et certaines entreprises de l’économie traditionnelle, dont la taille est réduite et les circuits de décisions très courts, ont plus à voir, dans leurs principes et leur mode de fonctionnement, avec les acteurs émergents de l’économie numérique, qu’avec les grandes entreprises capitalistiques.
Qu’est-ce qui définissait la classe ouvrière ?
Ce qui caractérisait la classe ouvrière de la fin du XIXè jusqu’à la moitié du XXè siècle, c’était tout d’abord un sentiment d’appartenance de classe très prononcé. En découlait une vision du monde très spécifique et une capacité importante, dans le cadre d’un rapport de force avec les institutions, à modeler ces dernières pour servir sa vision (à laquelle l’ensemble de la société y trouvait sont intérêt).
Quelles similitudes entre la classe ouvrière et les acteurs émergents ?
Les acteurs émergents du mouvement des makers, des structures de l’ESS et de l’économie de l’échange, partagent une vision commune du monde basée sur une approche soutenable de leurs activités par rapport aux ressources, la mutualisation des biens et des services, la quête de sens de l’action individuelle et collective.
Comme la classe ouvrière en son temps, ils savent qu’ils ne pourront pas faire l’économie d’un rapport de force avec les acteurs institutionnels.
Que leur manque-t-il pour structurer les politiques publiques au service de leur vision ?
Tout d’abord, ils doivent faire face à de fortes résistances. Notamment celle des acteurs institutionnels, qui ne sont pas les plus enclins à cette transformation. Leur logiciel est plus orienté vers le revival des trente glorieuses, de type économie fordiste aménagé, que vers la transformation de la société, de type économie numérique. Et lorsque l’on parle d’économie numérique, entendons-nous bien : comme le dit Nicolas Colin « à chacun son boulot ». Aux acteurs émergents de créer la valeur, aux institutions d’inventer les nouveaux modes de redistribution.
Ensuite, si les acteurs émergents ont un socle commun de principes et une vision partagée de l’évolution du monde, ils sont eux-mêmes traversés par des discentions fortes. Que partagent réellement un start-upper parisien, diplômé de l’ESCP, reclu dans le 2nd arrondissement, et un travailleur social ou culturel, de Seine-Saint-Denis, reconverti dans les circuits courts agricoles ? Pas grand chose. Pourtant des profils aussi à l’aise dans ces différents milieux commencent à émerger. Ils établissent les passerelles entre différents milieux qui permettent à la classe créative de jouer le rôle de boussole social, comme a pu le faire en son temps la classe ouvrière.