Quel avenir pour la ville bas carbone sans récit partagé ?

Le 7 septembre 2023, le Club Ville Hybride-Grand Paris se réunit sur le thème : "quel récit pour la ville bas carbone ? Ou comment embarquer toutes les parties prenantes". Nous vous en livrons quelques axes de réflexion qui guideront le déroulé (illustration Victor Enrich ou comment plier la ville ultra-normée aux usages).

Quand on parle des mesures environnementales, on les aborde en général sous l'angle du financement et de la justice sociale : comment faire en sorte que les réglementations adoptées ne soient pas injustes socialement ? Si cet angle est tout à fait légitime, ce n'est pas celui-ci qui retient notre attention. Notamment parce qu'il a du mal à créer une dynamique sociale autour des enjeux environnementaux. C'est justement les conditions de l'adhésion aux enjeux environnementaux qui nous intéressent. Ou plus exactement la production de l'adhésion entre les intérêts divergents des différentes parties prenantes. L’adaptation des villes aux enjeux environnementaux passe aujourd’hui essentiellement par un vocable technique et normatif. Cette dimension est essentielle mais insuffisante pour développer une vision partagée (et acceptée) de la ville bas carbone (le débat en cours sur les zones ZFE vient nous le rappeler).

QUELS SONT LES IMAGINAIRES MOBILISATEURS ?

La ville de demain déploie-t-elle un imaginaire puissant ? Qu'il soit techno-centré, survivaliste ou low tech, oui, assurément, mais il est peu mis en avant par celles et ceux qui décident, font et gèrent la ville (par manque de consensus ?). Il existe pourtant bel et bien, chez toute une catégorie d’acteurs périphériques, qui ne constituent pas le cœur des opérateurs centraux et traditionnels des projets (nous en dirons plus le 7 septembre).

Jean-Laurent Cassely pense que l’écologie politique a contribué à développer un imaginaire lié à des « nouveaux modes de vie » (vélo, alimentation…). Nouvel imaginaire amplifié par l’accumulation des évènements météo extrêmes. Propices à une prise de conscience collective, incitant chacun, suivant de là où il part, à trouver sa voie, pour s’adapter à cette nouvelle donne. Par exemple, la fracture sociologique centre VS périphérie est-elle en train de s’estomper avec le revival de la France pavillonnaire ? Les urbains créatifs d’hier, partis des coeurs d'agglomérations, sont-ils les passeurs d'aujourd'hui des nouveaux modes de vie, à destination de nouveaux groupes sociaux ? Ou bien ces derniers développent-ils les leurs ? Les imaginaires, les pratiques liées à la transition écologique paraissent de moins en moins étanches entre les différentes appartenances politiques et aspirations des uns et des autres. Mais, ce ne sont pas des imaginaires forcément identiques, pour différentes raisons que nous développerons. Au-delà, comment faire de cet imaginaire, aujourd’hui fragmenté, un outil au service des projets, de mobilisation de l’ensemble des parties prenantes (concepteurs, décideurs, réalisateurs, utilisateurs, gestionnaires), de programmation partagée et in fine de bilan d’opération en phase avec les enjeux ?

LES INTENTIONS POLITIQUES SE HEURTENT AUX RÉALITÉS DES PROJETS

Cet enjeu de l’imaginaire est crucial car les intentions politiques se heurtent aujourd’hui à la vie des projets. Résumer la ville bas carbone à la qualité des matériaux du bâti est insuffisant. Sans imaginaire partagé, sans projection commune entre concepteurs, décideurs, réalisateurs, utilisateurs, gestionnaires, point de salut ! De nombreuses questions demeurent sans réponse et sont livrées aux habitudes, aux résistances culturelles, aux contraintes réglementaires et financières :

  • faut-il réduire ou pas le stationnement ? Si oui, comment faire pour que la centrale de mobilité soit utilisée ? Si non, quelles sont les alternatives ?
  • quel mode de livraison privilégier pour les commerces ? Faut-il des mini-zones logistiques ?
  • où placer le curseur technologique pour les logements ? Domotique ? Low tech ? La cible des acquéreurs visés, le bilan d’opération prévisionnel doivent-ils être les seuls arbitres ? D’autres indicateurs sont-ils plus éclairants ?
  • où faire passer le réseau de géothermie ?

Etc Etc

TOUS ALLER DANS LE MEME SENS : OUI MAIS COMMENT ?

Ces éléments pris séparément ne font pas récit et finissent par épuiser l’ensemble de la chaîne des acteurs (encore plus aujourd’hui où les arbitrages financiers s’exacerbent, du fait de la hausse des taux financiers et du coût des matières premières, des impacts de la réglementation environnementale). La vision, si elle n’est pas partagée, ne crée pas de récit, et encore moins de programmation et de bilan d’opération vertueux.

Alors comment faire le récit de la ville bas carbone ? Et tout d’abord l’appellation « ville bas carbone » est-elle fédératrice ? Ramener la ville à sa capacité technique de produire peu de CO2 est peu mobilisateur. Les cyclistes de Copenhague sont par exemple très clairs là-dessus. Un questionnaire leur a été distribué. La motivation écologique arrive bien après les considérations pratiques, efficaces et économiques du vélo.

La ville bas carbone se décline-t-elle pour autant de façon identique en fonction des contextes ? Objectiver la ville bas carbone est-elle suffisante pour en faciliter l’appropriation des éléments qui la composent ? En clair, par quoi passe la modification des pratiques, du constat à leur mise en application. En la matière, pourquoi les sciences cognitives sont-elles d’un apport précieux pour décliner la ville bas carbone ? Quels sont les indicateurs qui en facilitent l’appropriation par les habitants ? Le bilan des opérations constitue aussi un levier d'action important car il interroge les modalités des projets. Certaines lignes budgétaires, telles celles liées à la commercialisation, ne sont-elles pas de trop ? Un projet, qui fait de chaque étape un vecteur de communication, s'en affranchit aisément.

C’est à une nouvelle approche des projets qui part de l’usage, de l’expérience utilisateur, de l’innovation centrée usagers, basé sur un récit partagé entre tous les acteurs des projets (concepteurs, décideurs, réalisateurs, utilisateurs, gestionnaires) que nous nous intéresserons le 7 septembre 2023.