Comment réduire la fréquence des accidents de vélo ?
Alors que les usagers du vélo sont de plus en plus nombreux en raison de la crise sanitaire, les accidents mortels se multiplient en Ile-de-France. Militants et associatifs proposent de sécuriser les aménagements, de mettre des dispositifs anti-angle mort sur les poids lourds ou encore de développer la formation.
Jeudi 4 novembre au matin, un jeune parisien enfourche son vélo. Vers 8H45, il circule place de la République lorsqu’il est percuté par un camion de chantier. Les secours interviennent rapidement mais le cycliste décédera quelques heures plus tard à l'hôpital. Au moment de l’incident, le jeune homme se trouvait dans l’angle mort du conducteur, qui ne l’a tout simplement pas vu, rapporte Le Parisien.
“Il n’est pas acceptable pour nous, aujourd’hui, d’avoir dans des zones urbaines denses, des axes quasi autoroutiers où les angles morts ne sont pas protégés”,
déplore Stein van Oosteren, porte-parole du Collectif Vélo Île-de-France et auteur du livre Pourquoi pas le vélo.
Développer les aménagements
Alors que les automobilistes représentent un danger pour les cyclistes, il apparaît essentiel de repenser ce qui les met en contact, c’est-à-dire, l’aménagement. Stein van Oosteren souhaite ainsi que des carrefours dits “à la hollandaise” soient aménagés pour sécuriser les usagers du vélo.
Sur ces espaces, des ilôts en amande sont installés dans les coins. L’objectif est de forcer les automobilistes à changer leur trajectoire et à ralentir : “Cela oblige les voitures à contourner (les îlots ndlr) et à bien voir le cycliste, ça crée de la covisibilité”, explique-t-il.
En France, la mortalité des usagers du vélo est en augmentation. En octobre 2021, 27 cyclistes sont décédés, soit 11 de plus par rapport à octobre 2019, d’après les derniers chiffres de la sécurité routière. “Il y a plus d’accidents car il y a de plus en plus de vélos. Nous ne sommes pas en train d’assister à une pratique plus dangereuse mais beaucoup de ces incidents seraient évitables si l’on aménageait notre espace différemment”, martèle Stein van Oosteren.
Selon lui, il est impératif d’instaurer des caméras anti-angle mort sur les poids lourds, d’interdire leur circulation en fonction des heures à proximité de certaines zones comme les écoles ou encore de développer des aménagements, à l’instar des carrefours à la hollandaise, qu’il définit comme des infrastructures “pardonnantes” (forgiving infrastructures) : “On considère que les usagers ne sont pas parfaits, ni les cyclistes, ni les automobilistes et ils faut les aider à ne pas se faire mal.”
L’aspect “fondamental” de la formation trop souvent négligé
Si aménager la ville pour garantir la sécurité des cyclistes semble indispensable, la formation, parfois délaissée par les pouvoirs publics, a aussi un rôle à jouer.
François Fatoux milite depuis une trentaine d'années pour le vélo. Il est le président de la vélo-école de Montreuil qui forme des adultes débutants ou venus se perfectionner. Ils sont en moyenne 140 chaque week-end. La petite équipe bénévole a dû refuser des inscriptions face à une demande qui ne cesse de croître depuis la crise de la Covid-19. “Maintenant les fonctionnaires, les ingénieurs de la voirie ont des compétences, ils savent ce qu’il se fait ailleurs. Je pense que les militants doivent se préoccuper de l’essentiel, qui est la formation car justement les pouvoirs publics ignorent qu’il s’agit d’un aspect fondamental”, déplore le formateur.
La sécurité routière incite les jeunes usagers à se former avec la mise en place du “Savoir Rouler à Vélo”, un apprentissage en 10 heures. Cette mesure, reprise dans le cadre du Plan Vélo (2018), permet aux jeunes collégiens de posséder une attestation pour se rendre seul au collège à bicyclette.
François Fatoux estime que cette formation est insuffisante : “Quand on lit ce plan, votre enfant qui rentre en sixième, peut aller au collège à vélo car on a tellement fait pour lui à l'école élémentaire. Non, absolument pas ! ” Il est impensable pour le formateur, de laisser un pré-adolescent en toute autonomie sur la route : “À l’école primaire, il faut détecter les enfants qui ne savent pas faire du vélo et les autres, il faut développer leur adresse. On poursuit au collège et aux alentours de 14 ans, et seulement quand on a vérifié que l’enfant a suffisamment d’adresse et qu’il connaît les dangers, alors on peut le laisser partir seul.”
Finalement, pour lutter contre les accidents, la sécurité routière s’attache principalement à diffuser des messages de sensibilisation, incitant les cyclistes à mieux s’équiper. Cette communication s’apparente à du “victim blaming” pour Stein van Oosteren. “Vous pouvez mettre tous les gilets du monde, vous pouvez mettre tous les casques sur la tête, ça ne va pas vous rendre visible dans un angle mort et ça ne va pas vous sauver des camions qui vous roulent dessus.”
Le journal Libération a par ailleurs analysé pendant une année la communication de la Délégation à la sécurité routière sur Twitter et a pu constater que seules 7 publications sur 96 concernant la sécurité des usagers vulnérables, incitent les conducteurs de véhicules motorisés à changer leur comportement.