Quand on demande à Séverine Chapus, directrice générale déléguée chez BNP Paribas Real Estate, d’observer à rebours sa carrière, de rechercher dans les plis du temps, les événements, grands ou petits, qui ont peu à peu construit ce qu’elle est, un constat survient comme une évidence : « j’ai toujours été passionnée par la ville. J’ai donc cherché, depuis mon entrée dans la vie active, à l’explorer de différentes manières. » Mais comment en vient-on à développer une passion pour la ville, à avoir conscience de celle-ci et de ne pas la cantonner dans son esprit à un endroit où l’on vit, grandit ou que l’on traverse à la faveur d’un voyage ?

La première relation qu’entretient Séverine Chapus avec la ville est architecturale. Elle grandit à Aix-en-Provence et ses yeux d’enfant admirent les bâtiments qui bordent son chemin, détaillent avec précision les façades des immeubles. « J’avais à Aix un rapport assez physique à la ville : les pierres, les couleurs, les matières, c’était tout cela qui m’intéressait », se remémore celle qui était également fascinée par les habitations troglodytes. Les années passent, dévoilent un parcours scolaire sans accroc, et la ville refait bientôt son apparition. Séverine Chapus s’oriente vers l’urbanisme « sans vision précise des différents métiers qui en relevaient », puis, une fois son diplôme d’HEC en poche, elle rejoint en 2007 Bouygues Construction. « Ce qui, selon moi, incarnait le mieux l’urbanisme, la ville, c’était ce secteur du BTP. » Elle y découvre les chantiers, le temps qu’ils requièrent, et travaille au développement d’une offre transversale entre logements sociaux et équipements publics pour le Grand Paris.

Un autre moment important de la carrière de Séverine Chapus a lieu en 2014 lorsqu’elle quitte le secteur privé pour aller explorer la ville par le prisme étatique. « J’ai toujours eu une très haute image de la fonction et du secteur public », glisse-t-elle avant d’évoquer les cinq ans qu’elle passe au commissariat général à l’investissement, où elle dirige les programmes relatifs à la ville et au logement. Nouvelle étape, nouvelle facette de la ville. Après l’avoir découvert par le prisme du BTP puis du service public, la jeune femme rejoint Dassault Systèmes pour monter un département dédié à la ville digitale. Nous sommes en 2017. Elle travaille alors au développement d’un logiciel, 3DEXPERIENCE, permettant de représenter en 3D des services urbains complexe et d’y scénariser ensuite un certain nombre d’évènements allant d’inondations à l’évolution d’un plan local d’urbanisme en passant par la construction une nouvelle rocade d’autoroute, afin d’éclairer au mieux la décision à prendre par des simulations. « Dassault Systèmes est une des plus belles maisons françaises, avec une matière grise et une vision forte puissamment incarnée par les équipes, partout dans le monde », confie Séverine Chapus. « Lors de nos missions, il était intéressant de constater que les territoires s’emparaient très différemment de l’outil, qui était pourtant le même, que nous leur mettions à disposition. »

L’importance du partenariat

Inde, Japon, Singapour... Les missions de Séverine Chapus l’emmènent à travers l’Asie. Mais après un an et demi, elle ressent l’envie de recentrer son existence à Paris. Et c’est alors qu’elle entre chez BNP Paribas Real Estate, « je n’avais pas encore exercé le métier de promoteur, travaillé au cœur de la machine, du projet, sur un temps plus long ». Voilà qui est fait et qui ajoute une nouvelle variation à son auscultation urbaine. Ce poste lui permet également de constater l’importance des partenariats entre les grands propriétaires, les architectes et les maîtres d’œuvre ou celles et ceux en charge de la commercialisation des projets pour trouver des acquéreurs. « Dans la même veine que Ville Hybride finalement. Michaël a compris et mis en musique très tôt cette logique partenariale pour mieux se comprendre et faire du commun », note la directrice générale déléguée.

Lorsqu’elle ne travaille pas, Séverine Chapus marche. Dans les calanques, la garrigue. Fait du vélo aussi. Mais l’endroit qu’elle préfère le plus au monde, celui où elle revient toujours est la montagne Sainte Victoire qui domine le pays d’Aix-en-Provence. « J’ai grandi à côté, c’est un endroit avec une beauté qui me bouleverse. C’est une sorte d’échappée mais aussi un ancrage. Je m’y sens chez moi. »

Savoir se réinventer

Consciente du contexte singulier qui fait l’époque, Séverine Chapus estime impératif de « réinventer notre métier, de rationaliser les risques que l’on prend dans cette période de crise violente et profonde » en considérant l’ancrage dans les grandes transitions (environnementale, sociale et économique) comme le meilleur moyen de traverser les années à venir. « Préserver ce qui nous entoure en élaborant des projets plus sobres, maintenir l’exigence relative aux habitants auxquels ces projets doivent apporter quelque chose, mais aussi tenir compte de la transition démographique et donc des enjeux du vieillissement de la population. Le tout en veillant à accompagner au mieux la transformation digitale en cours », égrène Séverine Chapus, qui est également la co-fondatrice avec Maxence Ducroquet et Julien Palengat de Barges et berges.

Quel conseil donnerait celle qui a appris à connaître les multiples facettes de la ville à celles et ceux qui, comme elle, voudraient en faire leur terrain professionnel ? « Je pense qu’il est avant tout important de s’écouter et de se faire plaisir. Être respectueux du talent, du savoir-faire, du travail des architectes et des bâtisseurs, sur le terrain. Et de toujours, toujours, regarder ce qui émerge, ce qu’il se passe même à bas bruit. Notre époque permet à de nouveaux métiers d’éclore. Peut-être que la chose la plus importante est finalement d’être capable de continuer, au fil de sa carrière, à se réinventer. »