Télétravail, pandémie : quel avenir pour les commerces des quartiers d’affaires ?
Les confinements et la généralisation du télétravail ont fortement impacté la fréquentation des grands centres d'affaires et leurs commerces. Zoom sur le plus emblématique des business districts européens : la Défense.
Les confinements à répétition nous avaient livré des images quasi post-apocalyptiques. Celles d’un quartier vide et sans âme où, habituellement, 180 000 salariés se pressent chaque jour. Si le premier quartier d’affaires d’Europe compte plus d’un tiers de postes non-télétravaillables, la pandémie a de facto engendré une baisse de fréquentation.
“Depuis cet été, notre sentiment, c’est que les gens sont plutôt revenus au travail avec des jours plus choisis”, assure Thierry Febvay, directeur général adjoint de l’établissement public Paris La Défense.
On enfile de nouveau son costume, sans pour autant retourner tous les jours au bureau. En effet, le niveau de fréquentation des gares en heures de pointe est estimé à 60% par rapport à la période pré-covid. Un chiffre que Thierry Febvay relativise : “On arrive plus tôt, plus tard, on se déplace différemment, à vélo, en voiture mais on sent qu’il y a un impact du télétravail avec un certain nombre de salariés qui viennent moins souvent.”
La restauration collective en première ligne
La pandémie et le télétravail ont mis en difficulté les commerces du quartier qui capitalisent presque exclusivement sur les salariés. Mais pour Thierry Febvay, la restauration ne s’est pas “effondrée”. “On pense que les types de restaurants qui ont le plus souffert et qui souffrent le plus du télétravail sont davantage les restaurants inter-entreprises que les restaurants extérieurs”, assure-t-il.
En effet, pour les fournisseurs de services de restauration collective, le choc est immense. En octobre 2020, Sodexo et Elior licencient plus de 4 000 personnes. Et les résultats de l’exercice de 2020-2021 de Sodexo témoignent de l’impact du télétravail. Si la société a pu remonter la pente, la branche de restauration collective n'a retrouvé que 79% de son activité d'avant Covid-19.
En 2021, sur des sites comme La Défense, Nicolas Lutge estime que la restauration d’entreprise connaîtrait une baisse de chiffre d’affaires “de 30 % à 50 %”. Pour le Directeur Général Adjoint de Scaprim Asset Management, ce modèle est aujourd’hui en fin de vie : “C’est un sujet qui est complexe car la restauration collective en France est un acte social donc c’est un acte qui est géré par un groupement de locataires dont les objectifs peuvent diverger avec les nouvelles tendances de marché. Il faut absolument faire évoluer ce modèle sinon les sociétés vont préférer avoir des tickets restaurants.”
D’autant plus que si les cantines sont moins fréquentées par les salariés, la règle de distanciation sociale de deux mètres entre chaque individu est une contrainte supplémentaire qui pourrait en décourager certains. Avec l’instauration du télétravail, Thierry Febvay constate un changement d’habitude de consommation des salariés qui cherchent à privilégier les moments de convivialité. “Ils vont moins souvent au travail mais avec des temps plus choisis, avec l’idée de pouvoir échanger avec les collègues”.
L’agonie de ces activités signe-t-elle la mort prochaine des quartiers d’affaires ?
La généralisation du télétravail pose aujourd’hui de réels enjeux pour les quartiers du secteur tertiaire. “La Défense est un quartier d'affaires dont le Covid a contribué à souligné les défauts : ceux d’un territoire monofonction et d’un territoire coupé des villes qui l’entourent. C’est pour cela que La Défense essaie de créer des jonctions douces avec les villes périphériques pour faire en sorte que les habitants de ces villes viennent consommer”, explique Nicolas Lutge, pour qui le quartier reste cependant toujours attractif.
“La preuve en est, les volumes de transactions, les prises à bail se sont maintenues depuis 2020 et 2021 donc on est dans la moyenne décennale. Ça c’est très positif. Les sociétés veulent continuer à avoir des bureaux dans les grands centres”, détaille-t-il.
Pour Nicolas Lutge, il est aujourd'hui impératif de faire vivre le quartier la nuit, le week-end et d’attirer de nouveaux publics, à l’instar des étudiants : “Des quartiers comme La Défense sont des quartiers qui resteront résilients du fait des infrastructures de transports en commun, le hard job est fait. Il faut juste faire le small job, c’est-à-dire, mettre les bons commerces aux bons endroits, essayer d’animer le plus possible les hauts de tour parce qu’on a des vues exceptionnelles et puis mixer au maximum les usages.” Une vision qui pourrait permettre aux commerces abîmés par la pandémie de travailler aussi, en dehors des heures de bureaux.