Une friche qui n'en est pas une ?
Qu’est-ce qu’une friche ? Un lieu où l’activité a cessé, en attente d’un nouvel usage, serait-on tenté de dire. Une friche ferroviaire, une friche industrielle, une friche tertiaire, une friche commerciale. Autrefois foisonnants, ces lieux ont arrêté de vivre. Et tout l’enjeu réside dans le fait de leur trouver une nouvelle vie, un nouvel usage... ou pas.
Pourtant, à y regarder de plus près, la vie y est bien présente. Et pas seulement humaine. Les friches sont aussi ces lieux où la nature a repris ses droits. La friche des Brillants à Meudon en est une illustration. Le site s’est ensauvagé, « punkisé » dirait Eric Lenoir. Contribuant à renaturer la ville.
Quant à la présence humaine, elle est bien là. Quand bien même des friches paraissent désertes. Comme dans la plupart des friches d’ailleurs. L’ilot ferroviaire à Nanterre dans le quartier des Groues fut anciennement un site de maintenance de la SNCF. Il accueillait plusieurs milliers de cheminots jusque dans les années 1980. Un tissu de TPE/PME, un restaurant resté dans son jus, et une piste de karting dans la halle Bouciron (construite dans les années 1930 et qui allait préfigurer le CNIT) sont ensuite venus s’implanter. Et même d’immenses fêtes réunissant des centaines de Parisiens du monde de la mode et de la pub, qui venaient s’y encanailler. Aujourd’hui l’ilot ferroviaire est inaccessible. Des rails y ont été installés reliant Paris à la Normandie.
L’urbanisme transitoire est devenu l’outil en vogue pour redonner un usage aux friches. Mais c’est un peu comme si on niait la vie alternative et naturelle qui est venue s’installer de manière spontanée.
Aujourd’hui, certains opérateurs urbains ont pris conscience qu’il fallait allonger les baux des acteurs de l’urbanisme transitoire pour que les sites développent leur propre projet, au gré des besoins. Par ailleurs, une autre prise de conscience commence à se diffuser : laisser les friches en l’état, les transformer à minima pour en faire le terrain de jeu, de liberté, d’ilot de fraîcheur des riverains.
Parfois aussi, on laisse les friches en paix. Non par bonté d’âme mais en raison de la complexité du site. Comme c’est le cas pour la friche des Brillants à Meudon. Cette ancienne zone industrielle est en effet installée sur des carrières. Un projet trop ambitieux n’y serait techniquement pas possible (à moins de combler les carrières mais ce n’est plus trop la tendance). La ZI des Brillants à Meudon, que je préfère nommer la friche des Brillants constitue donc une perle rare en première couronne. Et d’autant plus dans les Hauts de Seine. Ferronnier, architecte, plasticien, vidéaste sont venus remplacer dans un mouvement informel et spontané l’ancien tissu industriel. La nature y a repris ses droits. Tous les vivants s’y retrouvent. Pourquoi venir les perturber et enrayer un développement organique qui est la définition même de la ville anti fonctionnaliste ?