Comment opérer la transition écologique d'un territoire dans lequel les emplois appartiennent à des services et industries dont l'empreinte écologique est négative ? Les territoires affrontent la question épineuse de leur propre résilience face aux déséquilibres induits par le changement climatique, ce qui soulève des enjeux de transformation de leur tissu économique ou encore de gestion des emplois et des compétences. Dans cet article, nous vous proposons un focus sur le rôle d'un dialogue social "territorialisé" dans la transition écologique des territoires (photo Bourse du Travail / Niemayer à Bobigny © Ville Hybride).
Qu'est-ce que le dialogue social territorial ?
Le dialogue social recouvre, selon l'OIT, "tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs [..], sur des questions relatives à la politique économique et sociale présentant un intérêt commun". Il prend donc des formes diverses selon l'échelle à laquelle il se situe. On connaît souvent, au niveau de l'entreprise, le CSE, ou encore les accords de branches au niveau des secteurs d'activités ; mais il existe aussi des instances territoriales du dialogue social, comme les Comités de bassin d'emploi (CBE), qui visent à améliorer la situation de l'emploi en proposant des "actions en faveur de l'emploi à la mise en oeuvre desquelles il[s] peu[ven]t participer ou enfin par la gestion de dispositifs intéressant l'emploi ou l'insertion". Mais quelle place ces instances accordent-elles aux enjeux écologiques de la gestion des emplois et des compétences sur les territoires ?
Dialogue social et transition écologique
En 2021, la loi Climat et résilience n° 2021-1104 vient renforcer la place des questions environnementales dans les différents échelons du dialogue social. La Confédération Européenne des Syndicats note par ailleurs "une participation accrue des syndicats dans l’élaboration des politiques relatives au climat. [...]. Cette tendance pourrait se poursuivre dans les prochaines années du fait que la réglementation relative à la gouvernance de l’Union de l’énergie associe les partenaires sociaux à la préparation des plans énergie-climat nationaux pour 2030." Enfin, l'apparition en 2019 du premier "éco-syndicat" (Printemps Écologique) témoigne du rapprochement croissant entre les préoccupations traditionnelles du monde du travail (rémunération, emplois et compétences, conditions de travail) et les grands défis écologiques. Pour autant, les instances traditionnelles du dialogue social territorial n'accordent, encore aujourd'hui, qu'une place très limitée aux questions de transition écologique.
L'expérimentation "Territoire zéro chômeur de longue durée"
"Faire de l'emploi un droit" : c'est autour de ce slogan, impulsée par ATD Quart-Monde, que l'expérimentation Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD) a pris son essor depuis 2016. Elle permet à des territoires de bénéficier d'un cadre expérimental dans lequel les personnes privées durablement d'emploi peuvent réintégrer le monde du travail grâce à l'ouverture d'entreprises à but d'emploi (EBE). Les EBE sont financées par un fonds expérimental doté par l'Etat. Sur chaque territoire agréé TZCLD, un Comité local pour l'emploi rassemblant les acteurs locaux (collectivité, entreprises, organisations syndicales, acteurs de l'ESS) identifie les opportunités d'emplois. Ces derniers doivent respecter un principe de "supplémentarité", c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas concurrencer les emplois, privés ou publics, déjà existant sur le territoire. Or, et bien que cela ne constitue pas l'objectif initial du dispositif, il s'avère que bon nombre d'EBE se positionnent sur des activités liées à la transition écologique qui ne sont pas rentables. L'association TZCLD aurait-elle inventé sans le savoir une nouvelle forme de dialogue social territorial dans lequel la question écologique prend enfin toute sa place ?
Qui parle au nom de la nature ?
Dans la mesure où l'approche des TZCLD exclut d'emblée les emplois existants, elle ne peut pas être à la hauteur des enjeux de la transformation du travail sur les territoires qui cherchent à opérer leur transition écologique. Mais elle a le mérite de montrer que le dialogue social territorial est un outil précieux à disposition des acteurs du monde du travail. Reste à répondre à la question : qui peut parler au nom de la nature ? Car le propre du dialogue social, c'est bien de s'appuyer sur le principe de la représentation (des salariés, des employeurs, des pouvoirs publics). Mais, parmi ces acteurs dont chacun se prévaut de plus en plus de parler au nom de la nature, qui est le plus légitime ? Comment donner une voix aux intérêts des “autres-qu'humains” dans le cadre de la transition écologique des territoires ?