Xavier Lièvre, le goût des mots

Pour débuter ce portrait de Xavier Lièvre, il aurait été possible d’évoquer la filiation, ce que l’on doit aux siens et les traces que l’on suit. Car Xavier Lièvre est devenu notaire en marchant dans les pas de son père « On va plus facilement vers les métiers que l’on fréquente et qui semblent rendre heureux ceux qui les pratiquent », confiera d’ailleurs le portraituré. Pourtant, après s’être entretenu de longues minutes avec celui qui officie au sein de l’étude 14 Pyramides Notaires, une chose retient particulièrement l’attention : le soin apporté au langage. Son importance aussi. Xavier Lièvre, chargé principalement des dossiers des acteurs publics évoque ainsi « le rôle de traduction du notaire » qui vient désépaissir le brouillard qui peut exister entre les collectivités nationales ou locales et les opérateurs privés, tant leurs lexiques sont parfois éloignés. « En cas de conflit, il suffit d’écouter correctement. Ainsi, on comprend rapidement que les deux interlocuteurs ne sont pas loin d’être d’accord, qu’une bonne part du problème tient à leurs cultures différentes et au vocabulaire qu’ils utilisent auquel ils donnent des définitions différentes. Le rôle du notaire, comme souvent d’ailleurs des juristes plus largement, est donc de traduire, de trouver avec d’autres mots un terrain d’entente. C’est une de mes plus grandes satisfactions de résoudre une difficulté juste avec quelques mots ! » Au fil de la conversation, Xavier Lièvre mentionne également l’impératif d’exactitude inhérent à sa profession « L’écriture notariale recherche le mot juste, la phrase claire. Il faut garder à l’esprit qu’en droit les mots renvoient à des notions, des réglementations particulières. Les notaires ont en outre le souci de la paix juridique, de la prévention des conflits. »

Du métier de notaire, il loue l’exigence d’intellectualité, l’entrelacement constant d’enjeux financiers, politiques et sociétaux ainsi que le brassage des interlocuteurs. « Dans mon bureau s’installent à la fois des agents de collectivités locales, des promoteurs, des urbanistes, des particuliers primo-accédants, tous ceux qui font la ville dans sa globalité. » C’est à l’université Paris-Panthéon-Assas que Xavier Lièvre fait ses classes. Un premier stage en 1994 dans le sillage de la crise des années 1990. Un détour dans un cabinet d’avocats « pour voir autre chose, apprendre d’autres manières de faire » avant de revenir dans le bastion du notariat et d’y construire sa carrière. « Ce qui m’attire plus dans le notariat est la manière de travailler. Grâce au tarif légal des notaires, nous sommes focalisés sur l’objectif du dossier, sans tenir compte du temps et des efforts nécessaires. Bien évidemment, on ne peut pas oublier que le métier s’exerce dans un cadre libéral, et que l’équilibre économique de l’entreprise notarial est indispensable, mais le tarif permet de ne pas être focalisé sur l’enjeu financier d’un dossier, sur le temps passé, et c’est très agréable tant pour le notaire, que pour son client. » Comment en est-il venu à se spécialiser en urbanisme ? « Par un mélange de goût et de circonstances. » L’élément déclencheur a été le départ à la retraite en 2008 d’une génération de grands notaires des années 1970 comme Guy Bellargent, un de ses prédécesseurs chez 14 Pyramides Notaires, alors bien connu des opérateurs publics et des aménageurs.

Au fil de sa carrière, en parallèle de ses activités notariales au sens strict, Xavier Lièvre a toujours eu à cœur de transmettre son savoir et son expérience, notamment depuis quelques années auprès de ses confrères ou d’acteurs du bail réel solidaire. Présent dans les instances de sa profession, et notamment président d’une commission du Congrès des Notaires de 2023 sur le logement, il écrit aussi. Notamment sur les enjeux environnementaux qui ont pris une importance de plus en plus forte dans le monde immobilier dès la fin des années 90, puis plus récemment sur le bail réel et solidaire. « Face à un outil nouveau, il faut faire en sorte que cela ne parte pas dans tous les sens. Écrire a permis de stabiliser la pratique. Et puis j’ai vraiment pris goût à l’écriture », confie le quinquagénaire. Le langage et les mots, toujours.

Lucide sur les enjeux environnementaux qui imprègnent l’époque, il reconnaît la complexité à concilier les problématiques relatives au logement, à l’industrie et au climat. « Il faut assumer cette complexité, faire avec voire même jouer avec elle. Tout cela nécessite de déployer beaucoup d’ingéniosité avec nos partenaires », glisse-t-il avant de conclure « le plus important est de garder à l’esprit que ce n’est pas le droit qui va apporter la solution à ces problématiques. Le droit ne fait qu’accompagner le mouvement général. En découle l’importance d’hybrider les réflexions, comme le propose d’ailleurs parfaitement Ville Hybride. »